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Le quart net de ma moitié
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  • Isoler des mots, les transcrire, découvrir le sens au fur et à mesure de l'écriture, c'est un peu quitter le bateau avant qu'il ne prenne l'eau, c'est jouer avec des bouts de phrases. Libre propos au quotidien, parfois pertinent et souvent impertinent .
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Le quart net de ma moitié
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4 décembre 2013

Un an neuf (Chronique New Wave 8)

Le matin émergeait et se dissociait irréversiblement d’une nuit froide, celle de la Saint Sylvestre. Les heures claires prenaient le dessus et nos esprits émergeaient, piqués autant que nos carcasses par la fraîcheur de ce jour de l’An. Benjamin et Isidore avaient refermé la lourde porte en métal noir de la Maison, où une bande de fêtards s’était écroulée de la cave au grenier, au fur et à mesure que le réveillon battait de moins en moins son plein.

 

Ils étaient les deux derniers rescapés de cette nuit de folie qui les avait vus vider les plats, par poignée, dans une bataille de riz, une pluie de mies de pain déversée jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à…se lancer ! La plupart des invités s’en étaient retournés, une frange certaine et indénombrable s’était endormie dans les moindres recoins, souvent à même le sol, effondrés par la fatigue, souvent cumulée à la drogue et l’alcool.

 

La maison s’était assoupie en même temps que la sono, faute d’une personne pour passer les disques. Le dernier morceau « Making planes for Angel » d’XTC s’était immiscé dans la tête de Benjamin, et il le fredonnait tout en remontant avec Isidore vers le pont du Germoir à la recherche d’un café encore ouvert, pour encore vider quelques verres. Jamais rassasié, jamais repus, ils se sentaient presque enorgueillis d’être les derniers à achever la fête, la bière à la main.

 

Isidore retrouvait peu à peu ses esprits qui, à dire vrai, étaient demeurés étonnement lucides malgré l’importante quantité d’alcool ingurgitée pendant la nuit. Il s’était mis à se remémorer le déroulement du réveillon depuis son arrivée à la maison de Benjamin et Nathan. Il se revoyait longer l’Avenue de la Couronne portant deux sacs remplis de bouteilles de vin et d’amuse-gueules, avançant cahin-caha depuis l’arrêt de bus jusqu’au lieu des festivités.

 

A son arrivée, il était essoufflé, les bras endoloris par la raideur de l’effort. Il vit que la fête était déjà bien installée. Une foule dense s’agglutinait depuis le hall d’entrée jusque dans chacune des pièces du rez-de-chaussée et du premier étage. Il demanda des nouvelles d’Alfred qui n’était pas encore arrivé et s’en étonna. Aurait-il eu un empêchement à se joindre à la fête ? Sans guitariste, il serait difficile de jouer ; à moins que l’on demande à Nathan d’improviser ? Il restait, cependant, encore du temps avant les fatidiques coups de minuit, correspondant au moment prévu, pour jouer leur répertoire.

 

Dans cette cohorte joyeuse, l’ambiance débridée avait un aspect inquiétant. Les effets de l’alcool, l’excitation qui précèdant l’heure H, ce rituel du passage d’année et de vieillissement de l’humanité, agrémenté de cris stridants enthousiastes, de rires toujours plus francs, exhalaient une athmosphère hystérique . Conjugué à l’effet du nombre, la résonance produite par les pas de danse, les sauts répétés sur les rythmes endiablés se répandait dans la large cage d’escalier, remontant jusque dans les chambres aux étages supérieurs.

 

Francine et sa petite sœur Nancy avaient été, une fois de plus, les attractions de la soirée. Nombreux étaient les copains punks qui avaient essayé de conclure avec l’une d’elle. Fanny avait sorti « la grosse artillerie » avec un décolté plongeant qui permettait aux voyeurs de notre espèce de fantasmer à l’envi. Elles avaient effacé par leur charme ineffable les autres filles dont certaines pourtant ne manquaient  pas d’atouts.  Ce n’est pas Mirko qui nous aurait contredit, lui qui non content d’être arrivé à la fête avec sa petite-amie Christine, s’était exhibé deux heures plus tard avec Nancy.

 

 

Isidore avait pesté de rage en les voyants enlacés. Après avoir dansé un long moment frénétiquement  sur des morceaux de Joy Division, de Stranglers ou encore de Undertones , il avait rejoint le deuxième étage avec Alfred, qui était finalement arrivé, le visage blême, visiblement préoccupé, pour retrouver dans une des chambres, quelques copains pour fumer des joints. On lui avait dit que le « coin fumette » était dans la petite chambre  de gauche, celle que l’on appelait « le pieux maudit ».

 

Mais, inexplicablement, au lieu de bifurquer à gauche en haut de l’escalier, il s’était dirigé vers la droite, dans la pièce au fond du couloir. Ouvrant la porte, il aperçu distinctement un couple allongé sur le lit double en plein ébats. Il referma aussitôt la porte, mais avait reconnu Firmin avec la copine de ....son frère !

 

Il rejoignit Alfred  de l’autre coté du couloir. La petite pièce était immergée dans une fumée âcre aux remugles de chanvre et d’herbes mêlés. Il se fraya une place et s’installa. Le bong lui fut tendu par Marcel mais il déclina la sollicitation. Le petit groupe semblait embarrassé par sa présence subite. Sans doute ne s’attendaient-ils pas à son arrivée. Mais rien non plus ne l’empêchait d’être là. Le réveillon se passait dans toute la maison et les invités profitaient de l’espace pour se répandre par grappe d’affinités en divers lieux quand il ne s’agissait pas de danser dans le hall transformé en dance-floor.

 

Et puis, le petit groupe « d’initiés » sembla se faire à sa présence et le silence malaisé se rompit. Nathan demanda à Alfred si Isidore s’avait tenir sa langue. Alfred inclina sa tête en signe d’acquiescement, et en une fois, la conversation repris….pendant que sous l’effet conjugué de la drogue et de l’alcool, des images sordides et macabres semblaient émerger du plancher et se répandre telle des flammes d’un incendie de l’horreur.

 

Des visions de meurtres accompagnaient l’histoire que narrait d’un ton monocorde, spectral, quelque peu nasillard, le grand Nathan. Il y était question d’une champignonnière…. D’une virée qui avait bien commencé. Puis d’un pari fou et d’une ambiance qui d’un coup avait dérapée jusqu’à l’inimaginable, Un trafic de cames qui s’était mal déroulé, un échange de coups puis d’une promesse de vengeance. S’en était suivi, l’enlèvement de la sœur de l’impudent, des scènes de tortures et une malheureuse victime, brûlée vive !

 

Isidore ne comprenait pas si l’histoire de Nathan était pure fiction ou s’il racontait quelque chose à laquelle il avait assisté voire …participé !?  Quoi qu’il puisse être, il pris congé de ses condisciples, dérangés tant par la noirceur de l’ambiance que par la fumée étouffante. Il était redescendu avec Alfred. Bien lui en pris, Benjamin le cherchait car le concert allait bientôt commencer. Il arrivait juste à point pour faire une balance avant d’attaquer un premier morceau « Vision of death, I try not to care…your only imagination….an inconscient creation…. But what can I do ? To escape from you »

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