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Le quart net de ma moitié
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  • Isoler des mots, les transcrire, découvrir le sens au fur et à mesure de l'écriture, c'est un peu quitter le bateau avant qu'il ne prenne l'eau, c'est jouer avec des bouts de phrases. Libre propos au quotidien, parfois pertinent et souvent impertinent .
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Le quart net de ma moitié
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10 juin 2013

Les enfants du rock

Les années quatre-vingt étaient à leurs premiers soubresauts. Notre génération passait vaille que vaille le bac. Plusieurs d'entre nous étaient déjà en déroute. Ceux qui connaissaient les premiers échecs à l'école étaient la plupart du temps ceux qui vivaient des problèmes familiaux qu'ils tentaient d'arbitrer par des addictions à la drogue, laquelle plutôt que des remèdes aggravaient les problèmes et ne résolvaient absolument rien.

Nous étions, sans aucun doute là-dessus, des petits bourgeois issus pour la plupart de notre cercle, du brabant wallon. Nos familles habitaient toutes d'amples demeures à quatre facades entourées de jardins verdoyants. Nous étions une génération qui avions une ouverture à la culture et un niveau d'éducation qui allaient nous être d'un avantage appréciable pour réussir dans la vie, mais que nous ne soupçonnions même pas.

Nous étions aussi biberonnés à la chanson française au jazz et à la musique classique. Nos parents étaient cultivés, fréquentaient tant les clubs sportifs que les centres culturels et nous avaient pris des abonnements multiples afin de nous ouvrir sur le monde (Exploration du monde, théâtres....).

Alfred, à cette époque, n'avait aucun attrait pour le jazz et encore moins pour la musique classique. Ces champs-là du possible lui étaient étrangers, trop éloignés des centres d'intérêts du moment. Ces chants à lui, exprimaient une révolte, une rébellion, et étaient les reflets de l'adolescence qu'il traversait avec son cercle d'amis.

Et si cette opposition était déjà formatée car en fin de compte canalisée par leurs écoutes collectives proches du recueillement, elle n'en était pas moins sincère. Que son cercle de copains lui fasse découvrir le nouvel album de The Clash ou le dernier maxi de The Cure; à la musique explosive se greffaient des textes qui n'avaient rien de mièvres ou d'innocents.

A l'école, de cette génération, il y avait deux bandes de jeunes qui se distinguaient assez nettement par les groupes de référence respectives qu'ils portaient aux nues. Un premier groupuscules de jeunes vénérait la vulgarité et les envolées mélodiques de The Stranglers.

De cette ribanbelle, un succédané des étrangleurs vit le jour dans un local de répétition du sud de Bruxelles, et avait pour nom "on n'aime pas manger froid". Une autre bande, plus sombre, davantage introvertie, privilégiant l'introspection, avait trouvé son exutoire dans l'expression romantique et désolée de Joy division et des autres groupes du même label (Section 25, Crispy Ambulance...). De cette mouvance, vit le jour Paratroops et Dirty Time. D'autres formations apparurent à cette période mais dans un créneau musical plus traditionnel et qui ne présentait pas d'intérêt à "nos yeux de puristes post-punk".


Voilà que le joint passe de main en main. La petite bande est affalée dans la chambre à coucher de l'hôte du soir. Ils écoutent "How much are they" de Jah Whobble. La basse fait sautiller ses ronflements et la pièce s'est transformée en caisse de raisonnance amplifiée par l'effet de la drogue. Il y a une réserve de hachich pour de longues heures encore.

Soudain, Isidore est pris d'un malaise. Non pas de douleurs physiques mais une angoisse soudaine, qu'il ne parvient pas à expliquer, le pétrifie. La peur semble avoir prise le dessus sur ses capacités de raisonnement. Les autres ont pris conscience de son état. A son angoisse originale se superpose maintenant une paranoïa, un sentiment que ses acolytes se foutent de lui. Jusqu'à leurs propos, aussi anodins et dérisoires, qui ne semblent lui être adressés. Les rires ne peuvent qu'être le résultat de moqueries le concernant. Il ne supporte plus cette situation. Il se redresse péniblement et balbutie quelques mots. "Je....je rentre...je ne me sens pas bien..."

Claude était hospitalisé en Psychiatrie. Cela faisait déjà une semaine qu'il y était. Il y avait été admis suite a un bad trip au LSD. Ils étaient déjà trois du quartier à se retrouver internés à quelques mois d'intervalle. " A qui le tour ?" demandait ironiquement Eric ? Et c'est vrai qu'on avait le sentiment qu'un courant maléfique nous y "emporterait à tour de rôle à la suite d'un vacillement psychologique, d'une fêlure mentale, d'une "expérience de trop" de limites franchies.

Comme, quand l'autre soir, chez les quatre frères, et suite à une soirée au sassi (solvant détachant) que nous sniffions jusqu'à ce que la petite bouteille soit vide, Renaud, sous la pression de l'effet du solvant, était sur le point de sauter par la fenêtre du deuxième étage. Bon ok, nous l'avions retenu mais quand même. 

La répétition avait généré quelques morceaux dont l'épine dorsale était toujours des lignes de basses progressives et lancinantes qu'accompagnaient une batterie rudimentaire et une guitare minimaliste. Aucun de nous ne savions jouer de la musique ni ne connaissions le solfège. Il nous suffisait de nous immerger dans un lieu clos, à l'éclairage sommaire, et de nos instruments basiques produire du son qui correspondait à l'univers que nous chérissions, un univers poétique mais lugubre, glacial, passablement dépressif.

Un univers noir comme la pochette d'Unknown Pleasures.


 

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