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Le quart net de ma moitié
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  • Isoler des mots, les transcrire, découvrir le sens au fur et à mesure de l'écriture, c'est un peu quitter le bateau avant qu'il ne prenne l'eau, c'est jouer avec des bouts de phrases. Libre propos au quotidien, parfois pertinent et souvent impertinent .
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Le quart net de ma moitié
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5 juillet 2013

La porte (Comédie New Wave 5)

Isidore vient de se procurer le premier 45 tours de New Order. Il est troublé par l'appelation donnée au successeur de Joy Division. Le côté glauque et malsain qui existait déjà avec le groupe de Ian Curtis, semble se prolonger au delà de son suicide. Ambiguïté brunâtre, néofasciste, qui exhale d'une angleterre en crise, broyée sous la thérapie de choc de Thatcher, telle un exutoire à des générations de jeunes en panne de futur.


Et la musique là dedans ? Grandiose, simplement grandiose. Ceremony est un chef d'oeuvre, toujours habité et envoûtant; avec un texte écrit par le défunt chanteur. Seul bémol, et il est de taille, la voix du nouveau chanteur. Bernard Summer, le guitariste est passé également au chant, et il n'a ni voix ni charisme. Difficile de comprendre comment la carrière du groupe qui connut le succès que l'on sait, n'aie pas souffert de cet état de fait.

Isidore passe et repasse le morceau, tout en triturant la pochette (FAC n°33) réalisée par le génial Peter Saville; avec toujours une fascination tenant presque du sacré, pour l'esthétisme dépouillé.


Soudain une sonnerie bien connue, mais répétée plusieurs fois, celle de la porte d'entrée vient briser le songe contemplatif et auditif dans lequel il s'était enfoncé. Alors qu' "in a lonely place "résonne de sa noirceur morbide, semblant annoncer un drame; il entrevoit la silhouette d'Alfred. La véhémence avec laquelle ce dernier se manifestait ne présageait rien de bon. Cela ne lui ressemblait tout simplement pas. Toujours flegmatique, dilettante, intéressé par tout mais semblant concerné par rien, pourquoi soudain ce regard consterné, catastrophé !

"C'est Martin, Martin Naugle, le suicidé de cet après-midi sur la voir ferrée au hauteur de Rixensart ! ..."Isidore avait peine à croire ses propos. Cela d'autant plus qu'il était dans un train en revenant de l'école, qui était resté en rade pendant plus d'une heure. Et que l'annonce d'un suicide responsable du retard, n'avait ému que peu d'entre eux, habitués qu'ils étaient à ce genre de situation. Il était abasourdi. La rumeur avait déjà fait le tour du quartier. Martin semblait avoir préparé son départ en laissant une lettre dans la chambre de son kot. Il aurait sniffé du sassi pour se donner du courage, celui de déposer sa tête sur un rail. Sacré Martin qui venait d'avoir 18 ans !

Et dire qu'il donnait toujours l'impression de vivre avec la légèreté d'un oiseau semblant planer au-dessus de nous; sans se préoccuper des études qui nous, nous obsédaient. Il était encore passé deux jours plus tôt chez Sonia alors que la période de blocus battait son plein. Lui s'en foutait, il était venu avec une bouteille désireux de la boire avec elle. Elle l'avait gentiment mais fermement éconduit. Il était aller la vider le long du lac de Genval, assis sur un banc, seul, face à la fontaine, seul face au château.

Comment en était-il arrivé là ? La bande ne manquait pourtant pas de lui manifester des gestes d'amitié. Mais, la période des examens ne laissaient guère de place à la fête et Martin n'imaginait pas la vie autrement que dans une forme de délire permanent. Il s'était senti en décalage et cette altérité s'était renforcée ces dernières semaines. Surtout depuis qu'il avait décidé de quitter le giron familial. Il souffrait de solitude et s'était enfoncé dans la prise de psychotropes et d'alcool. En plus, il avait réalisé qu'il était homosexuel et cette prise de conscience, l'avait encore davantage fragilisé.

Il est 9 heures du matin. Isidore descent la rue Saint-Quentin. Il avait noté l'adresse du Studio 205 sur un petit morceau de papier. Il était un rien stressé. Et pour cause, lui et ses trois potes allaient enregistrer quelques titres et vivre leur première expérience de studio. Ils avaient répétés fermes pour cette journée. Ils avaient économisés un peu d'argent aussi. La session d'enregistrement, avec le mixage ne pouvaient dépasser la journée. Quitte à ce qu'elle soit longue, tout devait être bouclé pour la soirée.

Il le voit encore comme si c'était hier. Jerry WX était assis sur le perron de la porte d'entrée, un bac de bières Duvel à ses côtés. Ses provisions pour la journée. Sa nourriture spirituelle propice à la fermentation d'idées lors du mixage des compositions. Une poignée de main ferme et Isidore de lui demander: "Tu ne sonnes pas ?" Son regard interloqué. "Je pense l'avoir déjà fait. Enfin, je ne sais plus."  Isidore de retenter le coup de la sonnerie. Rien. Nouvelle tentative. Cette fois des pas derrière la porte. Claude Charles les accueille. C'est la visite du studio. En attendant les autres musiciens, on fait résonner dans les baffles la compilation de Buzzcocks "Singles going study" et la voix de Steve Diggle de porter une des mélodies les plus imparables du punk rock "It's an harmony in my head".

 

 

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