Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le quart net de ma moitié
Le quart net de ma moitié
  • Isoler des mots, les transcrire, découvrir le sens au fur et à mesure de l'écriture, c'est un peu quitter le bateau avant qu'il ne prenne l'eau, c'est jouer avec des bouts de phrases. Libre propos au quotidien, parfois pertinent et souvent impertinent .
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Le quart net de ma moitié
Visiteurs
Depuis la création 76 775
Albums Photos
Pages
6 avril 2013

A peu près rien

Elle habitait la rue de la procession qui était étroite, à sens unique et qui se terminait en rase campagne.  Je la parcourais dans les deux sens lorsque enfant, je me rendais au stade de « balle-pied » du village, pour tapoter sur un ballon et courir ma difficulté à grandir.

Je ne me souviens d’à peu près rien de nos entraînements, ni du déroulement des divers matchs auxquels j’ai participé, il est vrai avec peu de conviction et encore moins de rage de vaincre. L’excitation pour et autour du ballon rond m’ayant souvent parue superficielle voire carrément obscène.

Elle, la vieille Maria, tenait un magasin extraordinaire, non pas tant par rapport à ce qu’elle vendait, que par l’agencement qu'elle avait porté à ces marchandises. Son antre commercial se limitait à une pièce dans laquelle elle avait accumulé, superposé des articles par catégorie en d’authentiques colonnes qui nous semblaient, âmes d’enfants encore hantées par les contes, montées jusqu’au ciel et dans l'unique dessein de nous maintenir les mentons dressés fébrilement vers leurs sommets, tout en essayant de passer nos modestes commandes.

Tous les produits étaient entassés, agglutinés, juxtaposés tels des briques qui refermaient et cloisonnaient l'espace, et dont nous craignions de bouleverser l'ordre savamment orchestré pour maintenir l'édifice en équilibre, à chaque fois que nous rentrions dans cet espace consacré par et à l’amoncellement.

Véritable caverne d’Ali Baba dédiée aux trésors ménagers où les serpillères se disputaient avec les produits détergents et les produits de lessives;  nous osions braver le danger pour se procurer quelques menues friandises ou une crème glacé pendant la saison chaude.   

Et c’est vrai que nous avions toujours une appréhension à pénétrer dans ce petit magasin dont la vitrine était totalement recouverte par l’empilement de caisses qui ne laissaient aucune lumière extérieure pénétrer en son sein, et qui renforçait d’autant le caractère sacré de cet endroit confiné tel une chapelle dédiée à Sainte nettoyeuse.

Lieu mythique, où toutes les fées du logis environnant venaient à s’y approvisionner, nous n’étions pas peu fiers d’en ressortir prestement. Nous avions évité le pire, l’infamie, l’irréparable préjudice, le sacrilège du renversement des murs protecteurs du temple.

Ce n’était pas cette semaine-là, cela ne s’était pas produit non plus les semaines précédentes ; et nous serions à coup-sûr, sur le qui-vive la suivante. Nous le savions, la vieille Maria veillait au grain, son sourire fermé sur ses trésors passés et sa voix quasi spectrale nous causant tout autant l'effroi. La forteresse de caisses à savons tenait bon malgré nos assauts bien timides il est vrai.

Nos frayeurs mêlées d’excitation nous accompagnaient dès la porte franchie, et tout en remontant d’un pas leste, qui la rue des combattants, qui la rue de la gare, notre esprit jamais en panne d’imagination, était déjà en attente d’un prochain recommencement; celui de l'"à peu près rien" qui était tellement pour nous.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité