Pas un jour
Pas un jour sans une ligne.
Elle lui avait demandé d'écrire sur elle.
Il avait acquiescé car il l'aimait.
C'était le seul language qu'il semblait connaître.
Et comme elle le savait, elle l'encourageait.
En parole, il était si mauvais.
Il se défendait mal, s'exprimait avec difficulté,
dans un vocabulaire hésitant, peu approprié, imparfait.
Un language maladroit dont il n'était jamais satisfait.
Pas un jour sans une ligne.
Il s'y tenait comme un rituel,
un espace-temps qu'il s'accordait,
un quant-à-soi qu'il ne partageait qu'avec elle,
un rituel du recouvrement de soi, comme une retrouvaille d'intégrité,
une légitimité à exister dans nos existences à la trivialité qui l'écoeurait,
dont il savait intimement qu'il ne saurait jamais s'accomoder.
Pas un jour sans une ligne.
Ainsi, il s'évertuait à lui écrire ses
sentiments, quelques fulgurances de l'esprit.
Il voulait lui faire état de sa quête à exister,
de cette recherche de sens qui le transfigurait,
qui lui permettait d'accepter la vie,
de pouvoir lui exprimer la seule sincérite dont il se sentait capable,
de pouvoir lui dire sa pensée pure, son émotion juste,
sa volonté à susbsiter malgré tout.
Pas un jour sans une ligne.
Il s'était engagé à l'honorer
et puis quand ce fut fini entre eux,
il mangea sa parole, comme si la raison d'écrire l'avait quitté,
s'était évadée pour de bon, partie, envolée, mangée avec elle.
Il s'était perdu dans un dédale de mots dont la magie des phrases
l'avait abandonné, était partie en quittant la page, redevenue blanche
immaculée, sortie de piste pour un clown triste, meurtier.
Comme un pied de nez à leur histoire, terminée.
Pas un jour sans une ligne. Effacée.