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Le quart net de ma moitié
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  • Isoler des mots, les transcrire, découvrir le sens au fur et à mesure de l'écriture, c'est un peu quitter le bateau avant qu'il ne prenne l'eau, c'est jouer avec des bouts de phrases. Libre propos au quotidien, parfois pertinent et souvent impertinent .
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Le quart net de ma moitié
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14 avril 2021

L’Académie, son clan, sa clique et les autres.

 

Au cours des premières années de la décennie nonante, Géraldine était demeurée étudiante. Après avoir fait une année en stylisme à la Cambre, elle s’était inscrite aux Beaux-Arts à Bruxelles. Je lui avais conseillé de se présenter avec certains de ses travaux. Peut-être, aurait-elle, une chance d’être admise, alors que l’année scolaire avait déjà commencé et que les examens d’entrée étaient terminés ? J’essayais de la soutenir tant bien que mal. Bien des années plus tard, alors que nous étions séparés, elle prétendit et affirma le contraire, tant à son entourage qu’à l’attention des enfants. La mémoire est sélective. Encore plus si la mauvaise foi et la vengeance vous habitent.

A l’Académie, régnait une ambiance propice à l’épanouissement et à l’affirmation de la créativité. On ne sentait pas le sérieux disciplinaire d’autres hautes écoles d’arts. Les ateliers étaient spacieux, les professeurs copinaient avec les élèves. Le matériel demeurait assez rudimentaire, l’atmosphère vieillotte du bâtiment, donnait un charme suranné à l’ensemble. Certains profs couchaient avec leurs étudiants mais tout cela était bon enfant. En toute simplicité. Comme s’il était naturel que la transmission se fasse aussi par la relation amoureuse.  

J’observais tout cela avec une certaine ironie. Les quelques fois où je participai à des soirées avec les connaissances de Géraldine, j’essayais de faire des efforts pour m’intéresser à leurs activités. Tout se déroulait, à chaque fois, selon le même scénario, comme écrit par avance. Dans les discussions, je posais des questions, on me répondait. En aucune occasion, la réciproque ne se produisait. Je déployais des efforts d’intéressement, par sociabilité, mû par une sympathie naturelle. C’était limpide, je n’intéressais personne. C’était comme si, le fait de ne pas être étudiant à l’Académie, m’excluait d’office de toute singularité. J’étais le compagnon de Géraldine. Et cette identité se limitait à ce statut. Sans doute, aurait-il été préférable de ne pas s’en formaliser. J’en étais bien incapable. Un manque d’assurance et de confiance en moi conditionnaient ma façon d’être. J’étais mû par une quête de reconnaissance, laquelle se refusait obstinément. Il était manifeste, qu’elle n’allait pas venir de ces fréquentations.

On ne pouvait pourtant pas dire que je n’exprimais pas ma créativité. Mais, il y avait un entre-soi, dont je ne faisais pas partie. Il s’agissait d’une joyeuse bande, qui reconnaissait ses membres, de façon exclusive, quasi sectaire. Dont acte. Je ressentais un certain malaise face à autant de vanité. Ils semblaient mus par une identité commune et il n’y avait pas même jusqu’à leur façon de parler qui les différentiait. Une forme de snobisme et de maniérisme habitait leurs attitudes. Ainsi, minaudaient-ils invariablement, se vouvoyant sur un ton léger, qu’ils entretenaient savamment. Et cette façon d’être, au caractère précieux, concernait tant les filles que les garçons, devenant leur façon de communiquer.

Ce microcosme d’élus, artistes revendiqués, ne se limitait pas aux étudiants de l’Académie. Il s’élargissait à une bande, qui se retrouvait, au sein du collectif La Famille, lors de concerts de groupes anarcho-punk. Il y avait, parmi d’autres, René Binamé, les Slugs et Les Brochettes. Un groupe, surtout, se démarqua du lot, mais eu une carrière éphémère, qui marqua les esprits. Vlot Vooruit ne sortit qu’un album, mais ses compositions, à l’énergie punk, recelaient des mélodies imparables, accrocheuses à souhait, portées par la voix de Philippe Bailly.

https://www.youtube.com/watch?v=Txpa7pvl2TA

 

A cette époque, Dominique A résidait à Bruxelles, avec sa compagne Françoise Breuz. La bande, je mets tout le monde dans le même sac, le courtisait allègrement. Ils mettaient une énergie considérable, à faire partie de ses amis. Une amitié pleine d’artifices, une relation uniquement portée par le besoin d’approcher le chanteur, d’intégrer sa cour. Il ne se laissa pas duper longtemps, et exprima avec beaucoup de finesse et de poésie, l’ambiance qui régnait avec et autour de lui dans une des chansons de son deuxième album, Si je connais Harry, sorti en 1993. Ainsi, « Pour qui je me prends » explique dans une atmosphère intimiste, par touches impressionnistes, ce qu’il retint de ces soirées aux liens factices.

Cette façon d’être et d’agir, se prolongeait aussi, dans leurs relations sentimentales. Les couples se formaient et se déformaient au gré des pulsions et des intrigues amoureuses. Là aussi, l’entre-soi régnait en maître. J’en eu un aperçu assez révélateur. L’alcool me jouait des tours. Jusque là rien de nouveau. J’étais avec Géraldine, il est vrai, ce qui pouvait justifier, de ma part, une certaine retenue. Mais, naturellement, il y eut des situations, où les impulsions, me portaient à faire des écarts.

Telle ce slow langoureux avec la grande Catherine lors d’une soirée privée dans un appartement près du Palais de Justice. Je ne sus refreiner mon attirance et lui exprimai mon envie de l’embrasser et combien elle me plaisait. Pareille attitude avait dû donner l’impression que je n’avais guère de respect pour ma compagne. C’était une évidence comme un coup de poing dans la gueule. Reste, qu’ils couchaient entre eux, se trompant de façon éhontée, dans une forme d’acquiescement, qui touchait au sens commun. Ils semblaient vivre dans une communauté de sentiments et d’affections dont je demeurais exclu.

Il y eut aussi, cette autre fois, et toujours avec Catherine. Nous étions à Botassart, sur les hauteurs de la Semois et de la ville de Bouillon. A l’époque, était organisé, à l’initiative de membres de l’Académie des Beaux-Arts, une exposition d’art contemporain, en milieu naturel, sous l’appellation de « site en lignes ». La soirée, très arrosée comme à chaque fois, étaient débridée à souhait. Un chapiteau abritait un plancher qui servait de piste de danses. Emporté par une énergie et un déploiement de testostérone, j’eu tôt fait provoquer un mini-scandale. J’avais été embrasser, les fesses de la belle Catherine, dans une danse frénétique, où se rouler par terre, avait pris la forme, d’un rituel initiatique, une ode à la fécondité et à l’amour. Cet épisode n’échappa pas, à la petite assistance du « clan de l’Aca » et je fus brancardé comme hérétique. J’étais l’« horrible Bruno », pour paraphraser, Frédérique, la claviériste du groupe Les brochettes. Comment ce qualificatif était-il apparu et surtout, pourquoi ? Reste, que je m’étais fait une certaine réputation. A défaut de faire partie de la bande, je me faisais remarquer. Une manière de briser ce sentiment d’indifférence. Ils m’avaient jugé. Infidèle, fantasque, excessif. Reste, qu’ils couchaient entre eux et changeaient de partenaires, au gré des saisons. Mais c’était une dynamique existentielle qui étaient devenues entre eux, la norme. Chez moi, cela correspondait, pour cette clique, à une transgression. J’étais dans la peau de l’intrus, l’étranger, l’exclu. Ils avaient décidé, une fois pour toute, que je ne leur ressemblais pas.

 

 

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