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Le quart net de ma moitié
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  • Isoler des mots, les transcrire, découvrir le sens au fur et à mesure de l'écriture, c'est un peu quitter le bateau avant qu'il ne prenne l'eau, c'est jouer avec des bouts de phrases. Libre propos au quotidien, parfois pertinent et souvent impertinent .
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Le quart net de ma moitié
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15 décembre 2014

A la rencontre des églises saxonnes de Transylvanie....

Alors que l'actualité récente nous apporte l'élection d'un nouveau Président de la Roumanie issu d'une ancienne colonie de migrants saxons en Transylvanie, je retrouve un article sur un disque dur que je croyais avoir crashé....et qui traite d'une des particularités culturelles et paysagières de la région transylvaine: les églises fortifiées. Je vous le propose en lecture, histoire de voyager un peu dans ce pays magnifique.

 

Je ne connaissais des églises fortifiées saxonnes de Transylvanie que leur réputation d’austère beauté architecturale. J’avais eu vent que Biertan (entre Medias et Sighişoara) et Prejmer ( proche de Braşov), représentaient parmi les plus beaux fleurons de ces constructions anciennes. Ma première confrontation avec l’une d’elle se fit de façon toute fortuite alors que je me rendais à Gornesti - Gernyeszeg , l’été 1999.Nous fîmes une halte à Aiud, vers la fin de l’après-midi avant que de nous mettre à la recherche d’un improbable camping.

 

Cette ville, située à mi-chemin des complexes industriels de Alba Iulia et Turda,  rendue célèbre pour sa prison sous l’époque communiste, compte en son sein, une de ces solennelles bâtisses évangéliques. De l’enceinte de l’église, nous fîmes le tour complet avant que de trouver le portique d’entrée. Une fois celui-ci franchi, c’est un autre univers qui s’impose à vous. La majesté de ces hauts murs ocres ne vous autorise  qu’une approche humble vers cette solennelle demeure. Le regard ne trouve point d’échappatoire. Et dans la fortification, un jardin sauvage, un écrin de verdure oublié, d’où la seule vision possible vers l’extérieur, se limite au ciel, comme pour bien faire comprendre aux fidèles, retranchés là de générations en générations pour se protéger des envahisseurs, qu’en dehors du ciel, il n’est point de salut... De l’intérieur de l’église il ne fut ce jour là pas question, les portes résistant à nos timides assauts !

 

Quelques jours après, c’est au départ du village de Soarş que nous excursionnerons plus avant à la découverte d’autres de ces joyaux médiévaux, érigés par les saxons à partir du 11ème siècle afin de résister aux incessantes  invasions turques, mongoles et tatares.

A Sighişoara, ville transylvaine au charme médiéval intact, j’apprécie toujours la déambulation parmi son dédale de ruelles pour achever ensuite la promenade par l’ascension des 176 marches d’un très vieil escalier couvert (1642)  et ainsi atteindre le sommet de la colline d’où la vue depuis le cimetière est si émouvante.

 

En redescendant, un saut s’impose dans la maison natale de Vlad Tepeş transformée aujourd'hui en taverne.  Mais parbleu ! Surtout, évitez d’y consommer ! J’y ai bu le café le plus cher de tous mes voyages en Roumanie ! Sur la route de Medias, il est facile d’arriver à Biertan où l’église se dresse au bout d’un escalier d’accès très impressionnant. De l’enceinte, on bénéficie d’une vue magnifique sur les versants des collines environnantes que dessinent et rythment  prairies et cultures. Mais de ce périple, parcouru sous une pluie incessante, c’est à Homorod qu’une rencontre allait nous bouleverser, par son intensité dramatique et sa forte symbolique.

 

Après avoir traversé Rupea, que domine une ancienne forteresse en ruine,  par une route détrempée, après avoir aussi contourné un camion renversé sur son flanc, le chemin bifurque dans une campagne assombrie, presqu’assoupie. Nous atteignons le village d’Homorod, déserté et silencieux, perdu sous un crachin infini. Devant nous, se dresse une architecture médiévale qui finit par nous être familière. Mais il nous est impossible de pénétrer en son enceinte. Suivant fidèlement le récit de Dominique Fernandez dans son ouvrage Rhapsodie roumaine, et publié chez Grasset en 1998, nous demandons à la seule passante rencontrée, de nous indiquer la demeure de Johann Thomé.

 

Ce dernier est, à vrai dire, le gardien (le dernier ?) du temple. En effet, c’est lui qui dispose des clés d’accès et représente tout à la fois le guide et le  témoin d’une culture. Mémoire vivante de ces ancêtres venus de Saxe peu après l’an mil, dépositaire de ces générations qui se succédèrent jusqu'à l’aube de cette décennie, avant que de s’en retourner en masse dans leur pays d’origine.

 

En cette journée froide et pluvieuse, Johann Thomé n’a pas envie de mettre un pied dehors. Il ne désire pas se rendre en cette église qu’il chérit pourtant plus que tout. Témoin  pathétique et émouvant de toute une civilisation, un des derniers représentants d’une culture qui peu à peu s’éteint, Herr Johann Thomé se tient sur le pas de sa porte. Il a un regard éperdument triste, résigné, inconsolable. J’insiste: je lui dis que nous avons affronté vent et bourrasques  pour cette visite, rien n’y fait ! Toute insistance supplémentaire serait  indécente. Je finis par le remercier, lui fait un signe d’au revoir et m’en retourne à la voiture...

 

Pourtant, à peine installé, c’est bien lui qui apparaît avec un petit chapeau de paille sur la tête et tenant fermement un parapluie. Nous lui faisons place et parcourons les quelques centaines de mètres qui nous séparent de l’église. C’est une double enceinte de fortifications qui la protège. Son intérieur est pur ravissement ! Les murs sont peints de scènes religieuses et de motifs floraux. Ceux-ci sont malheureusement condamnés à disparaître en raison d’infiltrations d’eau, profanation authentique faite de ruissellements incessants depuis une toiture malmenée par l’attaque du temps !

 

Originalité : l’orgue aux soufflets de cuivre surplombe l’autel plutôt que de lui faire face ! Et Herr Johann de nous expliquer : “c’est irrémédiablement fini la culture”... “C’est le communisme qui a tué notre civilisation...” Il nous explique que du millier d’habitants de souche germanique, ils ne sont aujourd’hui plus qu’une petite dizaine dans le village !  Et c’est ainsi dans toute la Transylvanie…. 

Vidées de leurs premiers occupants, les habitations  saxonnes d’Homorod comme des autres villages, sont aujourd’hui occupées par des familles tziganes...

 

Mais pourquoi l’église d’Homorod est- elle ainsi laissée à l’abandon alors que d’autres – je pense à Harman - sont restaurées à grands frais ?

Après une dernière promenade méditative dans les jardins entourant l’église, après avoir “volé” quelques photographies de cet édifice, nous saluons le guide Herr Johann Thomé - au cœur brisé par l’histoire  de son pays – et c’est  imprégné d’émotions et de silence que nous reprenons la route de  Soarş, où nous logeons dans une famille qui sait et aime vous recevoir.

 

Juillet 99. Carnet d'errances.

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