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Le quart net de ma moitié
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  • Isoler des mots, les transcrire, découvrir le sens au fur et à mesure de l'écriture, c'est un peu quitter le bateau avant qu'il ne prenne l'eau, c'est jouer avec des bouts de phrases. Libre propos au quotidien, parfois pertinent et souvent impertinent .
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Le quart net de ma moitié
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8 décembre 2014

Le trésor de Scărişoara.

Pour tous les amateurs de randonnées pédestres, rien de tel que les Monts Apuşeni, à l’extrême est du département d’Oradea et qui surplombent la rivière Arieş. Superbe et isolée, il était autrefois possible de rejoindre cette région, depuis Turda, par le train forestier jusqu'à Cimpani via Abrud. Désormais, il ne reste plus comme voie d’accès qu’une route sinueuse superbe, épousant les méandres et les caprices de cette dépression montagneuse, “le pays des Moti” et ce jusqu'à Beiuş (en la parcourant vers l'ouest). Cette région retirée, m’a fasciné par sa beauté sauvage, les innombrables mystères suggérés par ses paysages et, à l’instar du Maramureş, l’extrême gentillesse de ses habitants !

 Multiples sont les possibilités de promenades et d’excursions. Ce dernier été, malgré un climat capricieux, c’est d’un pas alerte et depuis Garda de Sus - où les possibilités de logement chez l’habitant sont nombreuses -  que j’entrepris d’atteindre les célèbres grottes de Scărişoara. Après deux bonnes heures d’ascension au “pays des Moti", j’arrivai au  village du “Ghetar”, petit hameau d’une dizaine de maisons éparses, dressées à flanc de collines.

C'est assis sur une pierre, que je soufflai quelque peu tout en grignotant un biscuit. Les occupants de l’habitation la plus proche, eurent tôt fait d’avoir l’attention attirée par ma présence et de me solliciter en m’offrant lait et fromage de chèvre. La femme, petite, charnue, au teint buriné, les yeux pétillants un brin malicieux, le regard vif, me montra fièrement les cahiers et manuel de français d’un de ces deux fils !

Et nous nous plurent ainsi à passer de formidables minutes, à échanger quelques mots sur nos destinées respectives et à sympathiser jovialement. Je n’avais guère qu’une boite de biscuits et quelques menues friandises à leurs offrir; mais à cela, ils n'y prêtèrent guère d’intérêt ! Seul semblait compter pour eux, ce moment privilégié partagé !

Je repartis ainsi ragaillardi et poursuivis d'un bon pas vers les hauteurs. Une demi-heure me séparait, des grottes glaciaires de Scărişoara. Après avoir traversé le village du même nom, je su que j’étais arrivé à destination lorsque j'aperçus un petit attroupement de jeunes randonneurs piétinant devant une haute grille envahie par de la végétation.

Luni inchis (Fermé le lundi) était-il inscrit sur un panneau accroché à un portique qui semblait correspondre à l’entrée du site. Mais nous étions précisément lundi! Miséricorde! Damnation!  Allions-nous devoir faire demi-tour sans pouvoir découvrir ces fameuses grottes? Quelque jeunes gens semblaient parlementer avec un individu, dont il y avait tout lieu de penser qu’il s’agissait du gardien. Celui-ci, installé dans un cabanon en bois, joua dans un premier temps - plusieurs minutes - l’intransigeance. “La c'est la loi” expliqua t-il dans un roumain cassant.

Cependant, la perspective d’arrondir sensiblement ses maigres émoluments, en raison du nombre croissant - une vingtaine - de curieux présents par cette journée de juillet, finit par le faire changer d’avis ! Nous nous acquittions du droit d’entrée - par ailleurs dérisoire - et le voilà qui nous ouvrit prestement la grille, nous remit trois lampes à pétrole et …nous pouvions entamer la descente... le guide restant tranquillement à son poste!

A la file indienne, s'agrippant tant bien que mal à une rambarde branlante, parcourant un escalier

La lente, tortueuse mais bucolique montée vers Scarisoara

de fer pourri en maints endroits, rendu inexistant parfois, nous progressions cahin-caha, dans cet exercice périlleux ! Certains d'entre nous, et j'en faisais partie, ne pouvaient s'empêcher de s'esclaffer et de rire bruyamment comme pour exorciser quelque peu cette situation "grotte tesque".

Poursuivant notre descente, nous abordions certains passages abruptes avec des marches inclinées …vers le vide et sans le support des rampes, qui avaient disparu avec l'usure du temps et les agressions climatiques. C'est que, "six pieds sous terre" il faisait de plus en plus froid ! Une fois le sol atteint de pied ferme, nous étions confrontés à une glace omniprésente. Il s'agissait maintenant de poursuivre plus avant dans la grotte en évitant de s'étaler de tout son long.

Cependant, autour de nous, le spectacle se révélait grandiose. Stalactites et stalagmites immaculés étaient omniprésents, se dévoilant somptueusement à la lueur de nos faibles torches et scintillant ainsi d'un éclat opale quasi surnaturel. Nous étions subjugués et passions ainsi de longs moments, le souffle coupé par cette splendeur souterraine. Le froid nous aurait probablement figé pour des siècles et des siècles dans ce décor féerique si nous ne nous étions inquiétés de l'état de plus en plus déplorable de notre éclairage.

Rebroussant chemin émerveillés par la beauté des lieux, c'est à peine si nous prêtions encore attention aux difficultés de l'ascension. Le chemin était tracé, limpide. Nous étions comme illuminés, touchés par la grâce. Simplement, nous nous élevions, envoûtés par la magie de ces gorges de glaces qui nous avaient dévoilé leur trésor. Le trésor de Scărişoara. 

 

 

 

Bruno Uyttersprot

Carnet d'errance 1999.

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